Si les moteurs à combustion interne font l’objet d’améliorations continues pour améliorer leur rendement (cycle Miller, compresseur électrique, pompe à eau électrique, …) et diminuer leur consommation de carburant, les moteurs à taux de compression variable pourraient apporter une plus-value indispensable pour respecter les futures normes d’émissions qui entreront en vigueur au cours de la prochaine décennie.
A l’occasion du Mondial de l’Automobile de Paris 2016, Infiniti a présenté un concept de moteur à taux de compression variable. Ce moteur devrait être commercialisé d’ici 2018 et devrait être le premier à intégrer cette technologie sur un moteur de série.
Néanmoins, le constructeur japonais n’est pas le seul à s’intéresser à cette technique. En particulier, MCE-5, une entreprise française créée en 2000 employant une cinquantaine de personnes, a revu de fond en comble le concept de moteur à taux de compression variable en repensant chaque composant tout en gardant à l’esprit le fait de pouvoir industrialiser ce moteur en grande série.
Le moteur développé par MCE-5 a une approche différente de celle d’Infiniti pour faire varier le taux de compression. Le moteur conçu par Infiniti s’appuie sur une conception multibras et tous les cylindres adoptent le même taux de compression à un instant donné. Avec la technologie développée par MCE-5, il est possible d’obtenir un taux de compression différent pour chaque cylindre. Cette particularité permet d’optimiser la combustion dans chaque cylindre et d’améliorer le rendement global du moteur.
Le rendement d’un moteur thermique classique est de l’ordre de 35% pour les groupes motopropulseurs les plus performants. Toutefois, ce rendement n'est atteint que sur des plages restreintes d’utilisation du moteur (faible charge, faible régime de rotation du moteur). Dans le cas du MCE-5, le moteur pourrait atteindre un rendement de 35% dans la plupart des modes de fonctionnement (faibles et hauts régimes de rotation à faibles et fortes charges) avec des pics supérieurs à 40%. Le taux de compression du VCRi peut varier de 8:1 à 18:1. Le changement d'un extrême à l'autre peut s'effectuer en 0,2 seconde.
La technologie du taux de compression variable n’a pas pour vocation de remplacer les techniques existantes de réduction de la consommation (downsizing, downspeeding, calage et levée variables des soupapes, suralimentation, injection directe, …), elle vient en complément de ces technologies.
Le bloc moteur du moteur MCE-5 compte un nombre de fûts doublés par rapport à un moteur classique. Pour un 4 cylindres, il y a donc 4 fûts pour implanter les cylindres, tandis que les 4 autres fûts servent à installer les systèmes de commande variable de la hauteur du piston (variation du taux de compression).
Toutefois, ce doublement des fûts n’est pas spécialement pénalisant en matière d'encombrement dans le compartiment moteur: en largeur et en hauteur, le moteur VCRi devrait avoir des dimensions similaires à un moteur essence de même cylindrée. Le VCRi est cependant pénalisé en hauteur, sans toutefois être plus haut qu'un moteur diesel de cylindrée équivalente (ce qui serait, le cas contraire, un sérieux inconvénient, la hauteur du moteur étant un point important pour minimiser les conséquences en cas de choc avec un piéton).
Dans un moteur classique, le vilebrequin imprime le mouvement au piston directement à l’aide d’une bielle. Pour ce qui concerne le MCE-5, le mouvement se fait différemment. Le vilebrequin agit sur une bielle courte. Cette bielle va agir sur une roue de transmission dentée qui va imprimer le mouvement de va-et-vient au piston. Intrinsèquement, le piston conserve donc les mêmes caractéristiques de vitesse et d’accélération qu’un piston dans un moteur classique quel que soit le taux de compression du VCRi.
Cette conception particulière du MCE-5 permet d'éviter le changement de cinématique du piston (tel qu'un temps de passage plus long au niveau du point mort haut par rapport au temps passé au point mort bas) lorsque le taux de compression évolue (ce qui peut être le cas dans le cas d’une conception multibras). De ce fait, une telle modification entraînerait une dégradation sensible du rendement avec un risque de cliquetis plus élevé et un effort plus conséquent lorsque le piston est en bas pour entamer sa remontée en raison d'une pression résiduelle plus importante au sein du cylindre.
La crémaillère sous piston du MCE-5 étant plus massive qu’une bielle classique, cette dernière dissipe mieux la chaleur et le piston s’en trouve plus froid. De fait, la nécessité de refroidir les pistons devient moins critique. L’activité de la pompe à huile pourrait alors s'en trouver sensiblement diminuée (comme il y a moins d’huile à faire circuler à travers le moteur, la pompe consomme moins d’énergie).
De l’autre côté de la crémaillère de piston, en opposition à la roue dentée, un rouleau synchronisé assure le guidage de l’ensemble piston-crémaillère. Cette conception permet de réduire significativement les pertes mécaniques par frottement par rapport à une conception de moteur classique. Enfin, un vérin presseur agit sur la crémaillère de l'actionneur pour garantir un contact sans jeu entre les différents engrenages et garantit un fonctionnement silencieux de ces organes.
D’autre part, cette technique d'engrenages permet un guidage beaucoup plus précis du piston. Grâce à la crémaillère, le mouvement imprimé au piston est uniquement vertical et il n’y a que peu d’efforts transversaux. Ainsi, il est possible de limiter la hauteur de la jupe du piston (réduction des frottements) sans risquer un quelconque basculement du piston dans le cylindre ("piston slap").
L’actionneur permettant de faire varier le taux de compression est probablement la partie du moteur la plus susceptible d’évoluer d’ici la production en grande série. Tel qu’il est actuellement défini, l’actionneur comporte un étage hydraulique (huile sous pression pour maintenir le piston en position) et un étage électromécanique (pour gérer la durée du déplacement).
Lorsque le calculateur du moteur décide qu’un changement de taux de compression est nécessaire, il commande l’ouverture du circuit hydraulique à travers le déplacement d’une bille qui joue le rôle d’une vanne. Deux billes sont nécessaires: seule l’une d’entre elle se déplace lors d’un changement de taux de compression, selon que l’actionneur doit monter ou descendre. La pression des gaz dans le cylindre permet alors de déplacer l’actionneur jusqu’à la position voulue. Dès que cette dernière est atteinte, la bille revient à sa position initiale pour stopper le déplacement de l’actionneur.
Grâce à son taux de compression variable, le moteur VCRi est capable de tirer le meilleur parti de carburants divers et variés. C’est notamment le cas pour un moteur à carburant modulable (flex-fuel), pouvant indifféremment fonctionner aussi bien avec de l’essence sans plomb à indice d’octane 95 (SP95), de l’essence SP95-E10 (pouvant contenir jusqu’à 10% d’éthanol), de l’essence SP98, que de l’E85 (contenant entre 65% et 85% d’éthanol, le reste étant constitué d’essence sans plomb).
En fonction du carburant, le moteur à taux de compression variable permet de travailler avec un taux de compression élevé lorsque le carburant à un indice d’octane élevé (plus résistant au phénomène d’auto-allumage) et, à l’inverse, avec un taux de compression plus faible pour des carburant avec un indice d’octane plus faible. Ainsi, le rendement du moteur est optimisé quel que soit le type de carburant utilisé. Enfin, le VCRi peut aussi tirer le meilleur parti d’un moteur alimenté au gaz naturel.
L’entreprise MCE-5 n’a pas pour vocation de fabriquer le moteur en grande série, mais de le développer et le fiabiliser avant de commercialiser les brevets associés à ce moteur.
A ce titre, la société française s’est associée avec le constructeur chinois Dongfeng pour finaliser le développement de cette technologie. Le premier moteur produit en série utilisant la technologie développée par MCE-5 devrait voir le jour peu avant 2020.
Source et crédits photos: MCE-5
Encore bravo pour votre super site.
Certes mes études de physique sont très loin derrière moi mais j'avais appris au lycée et en fac qu'un moteur thermique (à vapeur, à énergie interne comme le moteur à explosion, à énergie externe comme le moteur Stirling) avait un rendement théorique, donc maximum, qui ne pouvait pas dépasser 33% établi par le cycle de Carnot. L'existence de différents composants mécaniques entre le moteur et les roues ne peut qu'affecter ce rendement.
Donc, par quels artifices peut-on compenser d'une part la perte de rendement due à ces composants mécaniques et augmenter d'autre part ce rendement jusqu'à 35%, voir 40% et plus lors de pics ?
Bien cordialement.
Jean-Pierre ROUSSET