Depuis la fin de l'année 2018, la Commission Européenne a initié le développement de la norme d'émissions devant succéder à la norme Euro 6. Après 3 ans de concertations, la norme Euro 7 se dessine avec un premier projet présenté en novembre 2022 : le texte final devrait être voté d'ici la fin du premier semestre 2023, certaines mesures nécessitant encore des clarifications.
La norme Euro 7 devrait entrer en vigueur le 1er juillet 2025 pour tout véhicule neuf vendu en Europe, sauf ceux produits par un petit constructeur (moins de 10.000 véhicules par an) qui devraient bénéficier d'une dérogation jusqu'au 1er juillet 2030. La norme Euro 7 viendra en complément des objectifs CAFE (Corporate Average Fuel Emissions) visant à réduire les émissions de CO2 de l'ensemble des véhicules vendus en Europe.
Pour définir le cadre des futures normes Euro 7, la Commission Européenne a cherché à identifier les points d'amélioration des normes actuelles. A l'issue d'une consultation publique à laquelle l'ensemble de la filière automobile et les ONG (Organisations Non Gouvernementales) ont participé, la Commission Européenne a identifié 3 axes de travail majeurs :
D'autre part, considérant le contexte économique récent (forte inflation) et l'espérance de vie limitée (2035) des moteurs à combustion interne, tant essence que diesel, la Commission Européenne a décidé de limiter ses ambitions en matière de sévérité des normes, afin de ne pas augmenter significativement le coût des véhicules et d'assurer les constructeurs de pouvoir limiter et rentabiliser leurs investissements sur une période courte (dans l'optique que la majorité de leurs efforts soient consacrés au développement des véhicules électriques).
Jusqu'à présent, les émissions de gaz polluants étaient évaluées en laboratoire, selon le cycle WLTC pour l'homologation Euro 6d (et NEDC auparavant). Désormais, elles seront mesurées lors des essais RDE en conditions de conduite réelles. Seules les émissions de CO2 resteront jugées lors du cycle WLTC en laboratoire (le CO2 n'est pas considéré comme un gaz polluant à proprement parler, mais comme un gaz à effet de serre), ceci afin d'obtenir une valeur répétable. De fait, c'est sur cette valeur que repose le calcul des émissions de dioxyde de carbone pour l'ensemble des véhicules vendus en Europe.
Les limites seront aussi uniformes alors que le standard Euro 6d pouvait différencier un moteur diesel, un moteur essence à injection directe ou un moteur essence à injection indirecte. La norme Euro 7 reprend les mêmes limites que la norme Euro 6d, la limite la plus stricte étant retenue.
Les mesures additionnelles suivantes doivent s'appliquer dans le cadre des normes Euro 7 :
La mesure des émissions polluantes sera toujours évaluée sur le cycle normalisé de conduite WLTC. Ce dernier ne subit aucun changement, que ce soit dans le profil de vitesse et d'accélération ou des conditions limites (température, etc.).
Les essais RDE vont subir une refonte notable et ne seront plus autant cadrés qu'auparavant, ceci dans le but de rendre ces essais plus représentatifs. Seules les situations de conduite les plus extrêmes ne seront pas prises en compte (ces scénarios ne se produisant que rarement ou ne touchant que peu de conducteurs).
De plus, les émissions seront mesurées dès le démarrage du moteur, le moteur étant froid. Pour Euro 6d, la mesure des émissions polluantes débutait lorsque le liquide de refroidissement atteignait une température de 70 °C ou, au plus tard, 5 minutes après avoir démarré le moteur.
Enfin, alors que les essais RDE étaient strictement cadrés dans le cadre des normes Euro 6 avec, entre autres, un niveau d'accélération à ne pas dépasser et des quotas de portions en ville et autoroute à respecter pour valider la campagne d'essais, les essais RDE Euro 7 seront beaucoup moins régulés et le véhicule sera susceptible d'être conduit dans des conditions beaucoup plus aléatoires. Malgré tout, il devra toujours satisfaire aux critères d'émissions Euro 7.
Les essais RDE comprennent 2 types de conditions : normales ou étendues. Les conditions normales sont représentatives de la moyenne des conditions de conduite constatées en Europe tandis que les conditions de conduite étendues englobent des situations bien plus larges (notamment en terme de température et d'altitude), censées représenter une très large majorité des conditions de conduite rencontrées en Europe.
Lorsque le véhicule se trouve dans l'une des situations correspondant aux conditions étendues du RDE, alors les émissions mesurées doivent être divisées par un coefficient de 1,6. Les constructeurs ne sont pas autorisés, sauf raison spécifique (le constructeur doit prouver qu'il y a un risque évident remettant en cause la fiabilité du moteur ou du système d'échappement) à développer un programme spécifique dans le calculateur moteur pour différencier les conditions normales des conditions étendues.
Les tests d'évaporation seront à la fois simplifiés et sévérisés. Le test de perméabilité (d'une durée de plusieurs semaines) pourrait être supprimé. Pour les test restants, à savoir les tests d'émissions diurnes et les tests d'impregnation à chaud, la limite sera désormais fixée à 0,5 g/jour (pour une durée de test de 48h) au lieu de 2 grammes sur l'ensemble des 3 tests.
Outre les émissions de particules à l'échappement, la Commission Européenne entend réguler 2 autres types d'émissions :
Concernant les particules émises lors des freinage, la Commission Européenne prévoit une limite d'émissions de 7 mg/km jusqu'en 2035 et un sévérisation à 3 mg/km après 2035. Les conditions d'essais restent à définir pour évaluer ce critère.
Concernant les particules émises du fait de l'usure des pneus, ce point devra être précisé au cours des prochains mois.
La norme Euro 7 prévoit d'instaurer un critère de durabilité concernant les batteries équipant les véhicules électriques purs (BEV - Battery Electric Vehicle) et les véhicules hybrides rechargeables (PHEV - Plug-in Hybrid Electric Vehicle) :
D'autre part, les constructeurs devront prévoir un indicateur au tableau de bord permettant de visualiser l'état de santé de la batterie.
L'OBM (On-Board Monitoring system) est un système qui aura pour rôle d'évaluer les émissions de gaz polluants au cours de la durée de vie du véhicule. Il s'agit d'un système complémentaire à l'OBD (On-Board Diagnostic, système qui a pour rôle d'alerter le conducteur en cas de défaillance mineure ou majeure affectant le véhicule) et à l'OBFCM (affichage de la consommation de carburant au tableau de bord).
L'OBM est un système connecté, dans le sens où les informations qu'il collecte et stocke peuvent être transmise via la prise diagnostic ainsi qu'en mode sans fil (en prenant appui, par exemple, sur le système de télécommunication rendu obligatoire pour alerter automatiquement les secours en cas d'accident).
L'OBM doit être capable non seulement de détecter un défaut (qu'il soit dû à une panne ou à une usure normale), mais il devrait être aussi en mesure aussi de détecter toute modification du véhicule qui pourrait modifier les niveaux d'émissions du véhicule.
Lorsqu'un défaut est détecté par l'OBM, un signal visuel est affiché au tableau de bord. Dès lors, au bout d'un certain nombre de kilomètres et/ou de démarrages, si le conducteur n'a pas fait réparer son véhicule, ce dernier ne sera plus en mesure de démarrer : il s'agit d'une stratégie similaire à celle déjà prévue par les systèmes SCR.
Enfin, l'OBM doit être capable de gérer, le cas échéant, des fonctions de géorepérage (geofencing basé sur les coordonnées GPS). Par exemple, cela pourrait concerner un véhicule hybride rechargeable qui ne pourrait circuler qu'en mode électrique seul lorsqu'il pénetre dans une zone à faibles émissions (ZFE). Le basculement vers le mode électrique pur se ferait alors sans aucune intervention du conducteur.
Si les objectifs de la future norme Euro 7 peuvent sembler peu ambitieux du fait que les limites factuelles évoluent peu par rapport à Euro 6, les conditions aux limites (mesures des émissions en conditions réelles et non plus en laboratoire, scénarios de conduite plus représentatifs, mesure lors des démarrages à froid) vont nécessairement impliquer des évolutions importantes au niveau du traitement des gaz d'échappement.
Le principal axe de travail sera d'accélérer la mise à température des systèmes d'échappement pour qu'ils soient efficaces le plus rapidement possible (les démarrages à froid étant la phase la plus critique en matière d'émissions de gaz polluant).
A cet effet, les constructeurs pourraient mettre en place des chauffages électriques (sous forme de résistance électrique) juste devant les catalyseurs. Avec la généralisation des véhicules mild hybrid 48V, les puissances électriques sont désormais suffisamment importantes pour que le dispositif soit efficace dès les premières secondes.
D'autre part, les systèmes d'injection d'air dans l'échappement (SAI - Secondary Air Injection) pourraient être utilisés lors des premières minutes après un démarrage à froid. Cette technique consiste à injecter de l'air frais (riche en oxygène) dans le collecteur d'échappement. Cet apport d'oxygène permet une combustion dans l'échappement du carburant imbrûlé dans les cylindres (quantité significative lorsque le moteur est froid). Cette post-combustion permet de diminuer significativement les émissions d'hydrocarbone à l'échappement, mais aussi d'augmenter la température des gaz d'échappement, ce qui va favoriser la mise en température des catalyseurs lors d'un démarrage à froid.
D'autre part, afin de s'assurer que les dispositifs de dépollution soient performants dans un nombre important de situations de conduite, le volume des catalyseurs 3 voies, en particulier, devrait être augmenté. A cet effet, les catalyseurs sous plancher devraient se généraliser, faute de place supplémentaire dans le compartiment moteur. De plus, les filtres à particules essence devront être optimisés dans leur structure interne afin de filtrer des particules beaucoup plus fines qu'actuellement.
Enfin, la mise en place de l'OBM pourrait nécessiter la mise en place de capteurs additionnels au niveau du moteur et du système d'échappement. D'autre part, les capteurs existants (comme les sondes lamdba, par exemple) devront certainement gagner en précision.
Contrairement à ce que vous dites, je pense que c'est très ambitieux ! Ce n'est pas pour rien que les constructeurs faisaient les autruches sur ce point jusqu'à maintenant ...
Malheureusement ça va encore compliquer les systèmes de traitement des gaz, avec des risques de pannes accrus :-(
En tous cas bravo Guillaume pour ce nouvel article !